Les auteurs de parfum sont un peu comme les écrivains. On ne devrait pas trop leur demander de nous parler de leurs travaux. Il faudrait les sentir, les lire. Et puis voilà. Ils nous regarderaient sans un mot. Après tout, ils ont fini leur travail, tout est dit. Sinon, vous entrez dans une drôle de conversation. En ce début septembre, Frédéric Malle, est assis à une table du Flore, à Saint Germain des Près. Dans son élégance intemporelle, costume clair (en fait, tissus gabardine beige sable de chez ), chemise à rayures (orange et blanc de chez Turnbull & Asser), cravate (en soie tressée bleu marine de chez
Hilditch & Key, Paris), il est lui aussi posé comme un livre (entre ouvert).
Le voir, c’est déjà entrer dans l’univers de sa dernière création French Lover. Du reste, au cours de la conversation, ses réponses se croisent, se décroisent sur lui, sur le French Lover. Elles induisent une scénographie variable. Il bouge sur sa chaise, se recule, revient, twiste ses mocassins (Aubercy, rue de Luynes, à Paris). C’est même gênant de lui parler de lui. Son eau de toilette parle d’elle-même, il n’y a plus rien à rajouter. Ou alors, elle pourrait, non sans hésitation, nous parler des débuts compliqués, ses tâtonnements. Avec Pierre Bourdon (un des grands « nez » de la parfumerie française),
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Frédéric Malle s’était embarqué dans l’idée d’aller jusqu'au bout avec une création précédente « Angélique sous la pluie ». « Nous voulions la rendre parfaite, dit-il, C’était un schéma, un dessin avec tout son charme, sa légèreté, ses imperfections». Mais ce parfum ne s’est pas laissé faire. Des mois de recherches, l’ingénue Angélique ne se livra point. Alors, l’épaule changea de fusil. Il s’agissait d’attendre. Frédéric Malle vivait déjà à New York avec sa famille. Rien de tel pour déclencher une nouvelle chimie du manque, de frustration de Paris qu’il soignait parfois en regardant des films. Un beau jour, en visionnant, Feu Follet (1963) de Louis Malle , il eut cette vision soudaine de son futur parfum. Paris lui manquait. Lui manquait cet homme intemporel, que ce film très identitaire lui délivra dans un choc.
Détail plus que troublant, Frédéric Malle portait ce jour là le même costume que le héros du film (Maurice Ronet en chevrons blanc et noir). Ainsi naquit French Lover. Et surtout ne bougez pas, le film va se débobiner : noir et blanc, tonalités beiges, ambiance jazzy, la nrf Gallimard, une élégance émanant juste de la personne : « Je déteste la mode pour homme, l’élégance devrait sembler sans effort ; le parfum devrait procéder ainsi, ne jamais déguiser mais dessiner».
Est-il besoin de soulever le capot de la voiture pour numéroter les durites et les cylindres ?Non, bien entendu. Juste deux mots, French Lover c’est deux blocs :essence de piments et karanal; un choc de bois très dur, de silex presque, de l’angélique (la revoilà), du cèdre, vétiver, une collision d’encens et de patchouli (ça donne ce côté « gommeux »), du galbanum (remember Chanel 19). Tout cela fusionne (il dit « serti »). Ca forme une boule (ses mains se réunissent). Ce serait animal sans l’être.
Cet homme là s’intéresse à un petit peu de tout : la bagnole, la politique, les expos, la bouffe. Il est sans nostalgie aucune. Préfère les automobiles contemporaines (elles sont sures et solides), dessinées (la petite BMW 130i) aux antiquités cahoteuses. Ou alors ce sera le Lotus Seven.
Cet homme faussement nonchalant habite Rive gauche/ Il lutte pour sauvegarder le temps, ses arythmies, le rendre et l’infuser. Il ne court pas. Il flâne. Il ne frime pas. Il observe. L’avez-vous remarqué ? Il est hyper chic mais jamais apprêté, se bat pour ne pas terminer vieux garçon. Bien entendu, il appartient à ce genre de personne à qu’il est difficile de faire un cadeau. Car l’homme de French Lover se contente de "peu de choses" (quelle farce !). Des intemporels. Une chemise de chez Turnbull & Hasser (tiens…) car il est certain qu’elle ne sera pas démodée l’année prochaine. Un col roulé de chez Smedley car le French Lover aime les laines écossaises. Il aime aussi les gadgets car ils attirent sur son visage un sourire adolescent : i-pod, le dernier Leica M8, une Rolex sans froufrou, le Mac book. Il adorerait une eau de toilette. Auriez vous une idée?…
Animal sans l'être ! Comment dans un tel raffinement ne pas être cérébral ? "Il adorerait une eau de toilette" dites vous ? Qu'il s'asperge de "French Lover", qu'il court nu sous la pluie et qu'il respire sa peau. Une nouvelle odeur naîtra ...
Rédigé par : sunny | 22 novembre 2007 à 18:44
Ah la boutique H&K à Paris! Il faut y aller avant que celle-ci ne disparaisse. On a l'impression que le temps s'est arrêté il y a quelques dizaines d'années. Il y a ce vendeur permanenté derrière son comptoir qui feuillette tranquillement son magazine et laisse ses clients errer entre les étales dans un silence de mort, ou alors sur fond sonore de son radio cassette 80's.
On a du mal à s'expliquer comment la boutique tiens le coup financièrement, certainement pas par sa clientèle dandy parisienne, plus probablement par les touristes égarés de la rue de Rivoli. On imagine que celle-ci abrite peut être clandestinement en sous sol quelques RG écoutant l'ambassade des US juste à côté, ce qui justifierait encore la mystérieuse pérennité de l'endroit...
Rédigé par : gould | 22 novembre 2007 à 17:21
Et en plus il collectionne des photos!
Rédigé par : gould | 22 novembre 2007 à 13:57