Il y a toujours des choses à gratter dans les prénoms japonais. Dans la façon dont les idéogrammes sont goupillés et twistent dans le sens. Celui du chef de ce restaurant lyonnais, par exemple, c'est Takao. Et dans l'idéogramme de Takao, il y a de la verticalité. Takao Takano, donc, opérait avec Nicolas Le Bec à Lyon avant que ce dernier ne se trisse fissa en Asie, les fournisseurs aux trousses. La poudre d'escampette fut sa dernière spécialité. Takao Takano, qui officiait donc à ses côtés, se trouva dépourvu lorsque la bise fut venue. Il chercha un local pour son projet buccal. S'installa. Et devrait vite regagner l'étoile qu'il avait préalablement décrochée (2011). Il faut dire que son assiette a tout pour rassurer les inspecteurs au costume gris. C'est consciencieux à souhait, perfectionniste en diable, râblé. La technique est aussi évidente que les nervures d'un pneu de Clermont-Ferrand. On voit tout de suite que le chef a poussé le plat jusque dans ses derniers retranchements.

Prenez ces cuisses de grenouilles dont on saisit les gambettes grâce à du raphia entortillé sur les tibias de la demoiselle. La composition est chaloupée et, surtout, elle déborde bien sur les côtés : oreilles de cochon confites et en appoint malin des condiments de cresson moutarde. La cuisine de Takao Takano procède parfois de la philatélie. Il faut aller chercher presque à la pincette (il faudrait en fait manger ses plats avec des baguettes) des enluminures savoureuses. À ces à-coups menus et subtils, à ce jeu du chat et de la souris (d'agneau), le bec se prend dans une rythmique diaphane. Voici ainsi le saint-pierre avec des poireaux vinaigrette tiède et son bouillon de noisettes torréfiées. Les goûts sont bien balancés. Du coup, les deux trois noisettes qui se baladent dans le plat ont l'air presque incongrues, énormes, comme des rochers (vous pigez le paradoxe de la macro food ? !).

C'est assez saisissant, mais le menu poursuit sa ronde obstinée : caneton des landes cuit sur l'os avec son chutney de reine-claude, oignon grelot caramélisé. Suivent les fromages et les desserts, dont une pêche à l'hibiscus, gourmande comme tout avec son biscuit aux fruits secs chauds et un calisson d'Aix glacé (il faut goûter ce plat au ralenti tant il maracasse dans les contours) ; enfin, un riz au lait crémeux à la « mère française » jette un sort à ce dîner avec son caramel au beurre demi-sel. On l'aura compris, c'est une cuisine passionnante dans ses dédoublés et ses entrechats ; clientèle au diapason et en empathie, à l'instar d'un service tout en creux et en écoute. La carte des vins présente des flacons à tarifs assagis. Comme si eux aussi étaient gagnés par l'atmosphère clémente de cette table. Un hymne amoureux d'un chef japonais à son pays d'accueil.
Menus le soir à 45 et 75 euros. Au déjeuner, 28 euros. Fermé dimanche et lundi.
Takao Takano, 33, rue Malesherbes, 69006 Lyon. Tél. : 04 82 31 43 39. www.takaotakano.com