Un chef qui, tout-à-trac, parle de « vérité des produits » sur sa carte, c’est drôlement culotté. Aujourd’hui, la vérité passe un sale moment. On la travestit, la défractionne dans un écho sans fin, comme ces admirables langoustines saucissonnées servies dans un palace parisien. L’assiette nue, débarrassée de tout, ne prononçant qu’un seul son, chantant a capella , cela appartient à un passé récent où l’on rencontrait Claude Peyrot, au Vivarois, Bernard Pacaud à l’Ambroisie. Précisément, Jean Marc Boyer, au Puits du Trésor, à Lastours (04 64 77 50 24 ; menus à partir de 39 eur ) parle ce langage.
Il était l’élève de Pacaud, qui lui-même fit ses classes au Vivarois. Lorsqu’il annonce un lièvre avec cèpes : rien d’autre dans l’assiette. Les cèpes ont été cueillis du matin (une lamelle crue raconte toute la tendreté de l’aube), le lièvre devait gambader il y a peu dans la proche garrigue, une purée de céleri les accompagne. C’est bien simple, on se croirait dans un livre de Joseph Delteil ( La Belle Aude, éditions Collot). Cuisine de totale lisibilité (poêlée de cèpes avec petits gris et artichauts). Il y a un moment où l’on a envie de dire « chapeau ! » devant tant de courage. Il faut être intrépide aujourd’hui pour partir seul au front, la fleur au fusil, couper les passerelles et se retrouver seul devant cette satanée « vérité » : fricassée de homard aux pâtes croustillantes, fritures de cuisses de grenouille, carré d’agneau. Ce soir-là, au fin fond de la campagne de l’Aude, c’était un bonheur désarmant d’être dans une salle à manger, entouré de vins de la région (beaux et décidés), et d’autochtones bienheureux.
Je note l'adresse et en février j'irai la teste r avec un valeureux vigneron des Corbières, Frédéric Juvet. La filiation est de taille. Claude Peyrot a été l'"idole" de ma "jeunesse gastronomique". Plus tard, j'ai suivi, chez Paccaut, comme en pélerinage. J'y suis retourné samedi, juste pour le frisson !
Rédigé par : Jacques Perrin | 05 décembre 2007 à 21:28
Ecrit comme ça, on ne peut qu'adhérer.
Mais dans ce cas, comment autant de gens peuvent-ils se laisser avoir par les combines habituelles, les modes foireuses, le décorum affligeant? On ne peut pourtant pas regarder (puis avaler) ce qu'on a dans son assiette sans relever l'imposture, ou alors c'est qu'on a juste comme désir d'"en être"... La corruption morale, le snobisme, le conformisme n'expliquent pas tout. Non?
Enfin si, peut-être.
"Il faut être intrépide aujourd’hui pour partir seul au front, la fleur au fusil" - tout juste.
Rédigé par : susanna | 05 décembre 2007 à 20:28
C'est énervant à la fin : vos textes nous donnent une envie pressante d'y aller presto subito !
Rédigé par : Mauss | 05 décembre 2007 à 14:36