TOKYO

01 mai 2007

3eme jour: la schizophrénie Gagnaire

Ce soir, gros légume au programme: Pierre Gagnaire.

Pierre Gagnaire. Pour être sincère, c’est mon chef préféré. C’est une cuisine de doute, de peur, de schizophrénie. Tout à coup, la cuisine se fend, ouvre son cerveau. Les plats partent dans tous les sens. On dirait parfois que Pierre Gagnaire vient juste d’assister à un accident. Il raconte tout avec la furie des mots, leurs répétitions. Son entrée de légumes, l’une des plus simples pourraient être Dscn0146divine dans sa tourte feuilleté avec morilles et petits oignons. On la découpe devant vous. Mais à côté, des petites verres, des assiettes apportent un autre écho légumier (bonne chantilly de roquette); cela impressionne, ouvre le champ de réflexion mais pas forcément l’appétit . Connaissant la structure pharaonique de ces repas, j’avais demandé à ne pas prendre d’amuse bouche. Pourquoi ? Au restaurant, pour moi l’appétit est sacré. Lorsque j’arrive, j’ai faim ; je n’ai pas besoin que l’on amuse ma bouche, ni ne la fasse patienter. J’ai faim de ce que j’ai commandé. Pas de ce que le chef pense pour moi. J’ai donc attendu 75 minutes après mon arrivée avant de savourer ce que j’avais choisi. Ensuite, la sole procède de cette audacieuse construction. C’était drôlement bien ; puisque ses associations sont passées de la texture de la sole à l’avocat en passant le céleri, asperges, épinards et… banane et citron. Ce plat était réussi. Le dessert a repris les incantations de Gagnaire, occuper l espace de peur que celui-ci se dérobe. Partout des desserts avec notamment le dessert commandé, un exquis soufflé à la vanille. Le bombardement continua jusqu’à une addition elle aussi solidement nourri de yens. Dans l’entrée du restaurant, on nous offrit encore une petite boisson d’adieu. En ouvrant la porte du taxi, j’ai eu peur un instant qu’il y ait sur le fauteuil des galettes et des crèmes au grand marnier, vodka, whisky, gin, sake, chouchen, champagne, mezcal, armagnac, sirop d’érable, cassonade…

Photo/F.Simon

29 avril 2007

Voyage au Japon: Hiramatsu, 1er jour

C'est parti pour une quinzaine de repas au Japon. Ce soir, Hiratmasu (Minami-Azabu; www.hiramatsu.co.jp/). Histoire de mieux comprendre ce restaurant, j’avais fait juste avant de partir le même repas, à Paris (rue de Longchamps, 75016)Dscn0145 . A chaque fois, je me suis senti gêné par le malentendu cette cuisine qui à force de trop vouloir prouver s’embarque dans l’effet et l’illusion. Il y a ici comme une sorte de simulacre.C’est dommage car il y a ici une volonté très forte d’être le meilleur, ce qui n’est pas en cuisine le meilleur chemin. Mieux vaut être bon et moins fameux. L’entrée de jardin printanier avec asperges et jambon et calamar est jolie, savante mais en bouche, il n’y a pas de vrai propos. Le pigeon au vanille, épices et chocolat procède de la même complication. Le pigeon disparait totalement sous ce qui est sensé le mettre en valeur. Le plat est monté à l’envers. En fait, on s’aperçoit que la cuisine de ce restaurant est une cuisine de posture, qui prend la pause. Il manque cet humanisme, cette fibre touchante de la gastronomie.Ce restaurant joue au restaurant français avec beaucoup de talent, mais cela ne suffit pas d’imiter. Je pourrais être chanteur de rock and roll, ce n’est pas si compliqué. Mais il me manque la colère, la rébellion : et cela ne peut pas s’inventer, encore moins se copier. Les additions sont ici en tout cas très rock and roll (violente) les cafés aussi, on pourrait presser un jus de billets de 10 000 yens, ce serait plus simple et plus drôle.

PHOTO/F.SIMON