Sur la route des retours: l’Auberge des gourmets

IMG_7906

L’auberge des Gourmets:  « Miam ! »

Pour M le supplément du Monde, nous sommes partis la route des vacances, quelle chance !

Sur un lutrin, le livre d’or est grand ouvert. Feuilletons-le. « Miam ! » jaillit sur une demi page. Le reste est du même tonneau avec les écritures cahotantes des fins de repas, entre « parfait », « nous reviendrons! », « je suis subjugué », et « finement bon ». La clientèle de l’auberge des Gourmets, à Villars, près de Tournus (Saône et Loire) semble de la même écriture avec ses déliés, ses consonnes et voyelles appliquées. Du même vocabulaire,  pourrait-on poursuivre: un brin daté, avec ses mots à quatre syllabes.  A l’image de la cuisine, sans aucun doute, généreuse, épatante, très réussie dans son abnégation (le respect des intitulés). Le chef en a sous la semelle. Il gagna son étoile aux Remparts à Tournus , était au bord des deux, finaliste au concours du meilleur ouvrier de France. Daniel Rogie changea de cap en 2002. Il s’installa ici et décrocha très vite un bib gourmand, récompense du Michelin  saluant les meilleurs rapports qualité /prix. Il le perdit il y a deux ans pour des raisons que lui seul connait.  Sans doute pour avoir livré le fond de sa pensée. Ceux de ses sauces ont la même percussion: ample, brillant, touchant là où il faut, à l’instar d’un pigeonneau aux épices (quatorze, précise-t-il) qui fait accourir la région entière. Parfois, il est un peu las des tracas administratifs. Il faudrait mettre aux normes l’accessibilité des toilettes, mentionner les allergènes alimentaires  sur sa carte. Tout cela a le don de le mettre hors de lui. Nous le retourne, penaud et meurtri: « Je suis répréhensible », lâche-t-il, lui, dont la cuisine est d’une probité magnifique. Précisément, il termine un gâteau blond de volaille avec un coulis de langoustine pour sa voisine de 93 ans. Il en est ainsi quatre jours par semaine. Moyennant 9 euros, il concocte des room service adorables, avec mille feuille fait minute et crème vanillée avec le coeur. C’est sans doute cette dimension qu’il faut lire dans ce genre d’auberge toute solitaire à quelques kilomètres des fusées tricolores rayant l’autoroute A 6. En quelques coups de volant, on est franchement ailleurs, presque sonné de voir respirer un village de 420 habitants.

IMG_7905Il y a là deux artisans, pas d’école, ni de commerce (à part l’auberge) et sous le auvent de la mairie une affichette jaune bouton d’or trompette un fait divers désolant: « Tournugeois: un chien volé torturé et mis à mort ». Ce serait blâmable d’en rester là. Car le Villars où rayonne notre auberge délicieuse fut un lieu chéri d’un dodécaphoniste illustre, ami de Picasso et de père piémontais. Sa maman s’appelait Blanche Marie Cortot. Elle naquit ici. Et donna naissance à celui qui allait être un des précurseurs de la musique électronique, glissant des sirènes de pompier, des bruits urbains, d’usines, dans ses créations. Il joua même un second rôle dans le Docteur Jekyll et Mister Hyde (John  Robertson, 1920). Ah oui, son nom: Edgar Varèse. Ne pensez pas pour autant que ce village paisible, merveilleux après une pluie d’été, se la joue et plastronne. Non, il respire comme vous (ohé!) et moi (passons). Somnole, délivre des instants magiques et désarmants. Tout en bas, la Saône file droit devant, singe l’autoroute dans ses rectilignes.Tout cela parait alors bien secondaire, comme le bonheur des routes du même métal.

Passage à l’acteIMG_7913

Sortir de l’autoroute.L’enfance de l’art depuis Paris A6, sortie 27 ( Tournus). Depuis le sud,  A6 sortie 28 (Tournus).

Coordonnées GPS. N. 46°31’48.995’’. E.4°55’ 49.875.

L’Auberge des Gourmets, 9, place de l’Eglise, 71700 Le Villars. Tel.: 03-85-32-58-80. www.laubergedesgourmets.com Fermé dimanche soir, mardi et mercredi.

Parking. Devant le restaurant, sur la placette ombragée.

Zzzzzzz. Nombreuses chambres d’hôtes aux alentours, sinon sieste sur le parking. Ou mieux, derrière l’église, il y a deux bancs formidables. Paix divine.IMG_7904

S’élever l’esprit.  Situé à quelques kilomètres seulement de Tournus, ce petit village perché au-dessus de la Saône a de nombreuses fois été cité dans des ouvrages, et est avant tout connu pour l’originalité de son église Sainte Marie-Madeleine : église romane à double nef datant des XIème et XIIème siècles. Sinon, à Tournus, l’ abbaye Saint-Philibert est un des hauts lieux de l’art roman.

L’addition. De nombreuses formules échelonnées entre 20€ et 56€.

Dommage. Daniel Rogie mériterait un peu plus de considération pour sa cuisine à fière allure.

  • clement
    6 septembre 2016 at 9 h 54 min

    Cher François Simon,
    Je viens de lire votre message de rentrée et il m’inquiète un peu…j’ai du mal à comprendre ce qu’il y a entre les lignes / message sur votre blog. Juste pour vous dire, au cas où : c’est pas le moment de vous démotiver ou de vous décourager face à des impératifs de partenaires…nous on a besoin de votre goulée d’air fraîche, de vous savoir tout feu toute flamme, à fond sur le vélo, tout enthousiaste, pour continuer, nous, vos lecteurs fidèles, à ouvrir grand une fenêtre sur des images et des odeurs qui font du bien au coeur et à la tête !
    Bonne rentrée !!!
    Une fidèle d’entre les fidèles…

  • DURAND
    12 septembre 2016 at 17 h 46 min

    Suite à votre article, j’y suis allé ce midi. Joli endroit qui vous soigne avec une cuisine très gouteuse. Excellent jus de cuisson. Du bon pain, un service attentionné. Rien à dire si ce n’est d’encourager ce genre de restaurant à durer longtemps et à ètre connu du plus grand nombre. Merci pour vos chroniques. JJD