Sur la route des retours: La nationale 7 en chantant. La Beaugravière

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Faut-il encore faire couiner la manivelle de la mélancolie ? La Nationale 7 et son soleil, tout en bas. La France de Charles Trenet, sa guitare manouche, la clarinette, ses rimes de bicyclette (1955):« Nationale 7/

Il faut la prendre qu’on aille à Rome à Sète/

Que l’on soit deux trois quatre cinq six ou sept ».

Il fallait bien deux jours pour rejoindre la Côte d’azur. Les grandes tables resplendissaient (Bocuse, Point, l’hostellerie de la Côte D’or…). Les enseignes rivalisaient de bonne chère: à la Fine Fourchette, le Bienvenu, aux Gourmets réunis, la Palombe. Les garages, stations services et auberges pullulaient. Il y en avait tous les cinq kilomètres du côté de Bollène. Parfois même, comme à Mondragon, il y avait trois établissements qui portaient le même nom: les Cèdres. C’est sans doute pourquoi, Guy Jullien qui venait de se marier avec sa jeune épouse, Tina, choisit de débaptiser illico cette solide bâtisse année 30 en  la Beaugravière. Où se rencontrèrent-ils ? »Dans un mariage !» répondent-ils à l’unisson. Cela fait quarante ans qu’ils animent cette adresse presqu’absente des guides. Ils s’épanouissent hors des radars de la gastronomie. Guy Jullien ne le souhaite pas. Il ne les calcule pas. Quant les inspecteurs Michelin viennent, il se fait passer pour le plombier, le jardinier. il est comme ça. Comme sa cuisine. Simple, débonnaire, rieuse, courtoise avec en star, la truffe d’été comme d’hiver. Du monde entier, on accourt. Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’une cuisine débarrassée. Comme si on avait écarté les branchages. Des tartes de girolles, des brunoises d’artichaut à la truffe, des légumes mijotés et une écrasée de truffe. Il suffit de voir les clients  arriver pour comprendre qu’ils viennent en découdre. Sous les marronniers, les tilleuls de la terrasse, personne ne devinerait que sous leurs pieds ronronne à 14°c, l’une des plus belles caves au monde des côtes-du-rhône, dont 85 domaines de chateauneuf-du-pape, captant vingt pages de la carte des vins. Il y a là plus de 35 000 bouteilles, dont des Romanée Conti , des splendeurs gisant stoïquement à l’instar de  cette bouteille de Moet et Chandon de …1743 ! On lui en proposa une fortune, mais Guy est un homme tenace. Cela ne l’intéresse pas. Et gare à qui viendrait renarder autour, notre homme n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, témoin un arsenal de flingots autorisés qui venaient tout juste de revenir de chez l’armurier. Mais Guy, 67 ans,  est parfois triste: les platanes sont malades, les serveurs des nouveaux bistrots ne portent pas de souliers cirés. Et la truffe s’en va. C’est comme un continent mystérieux qui voguerait sous terre. Et qui se fait la malle. La truffe espagnole (80 tonnes) est en train damer le pion à la truffe provençale (14 tonnes cette année). Il en va ainsi de la nationale 7 encore résistante ici sur une quinzaine de kilomètres mais qui s’effrite ensuite en départementales, perd ses commerces; seuls les coiffeurs gardant du poil de la bête. Paradoxalement, on se sent bien à la Beaugravière, comme si on s’était gardé en douce un joli morceau de tarte aux pommes.  Ce restaurant appartient à ces rebelles échappés au temps et à la logique. Il y a là comme de savoureuse rébellion. Même les plats font de la résistance.

IMG_7847Sortir de l’autoroute. Prendre la sortie à Bollène (6,5km),

entrez dans Bollène, suivre la RD 26. Arrivé à Mondragon, prendre la RN7 vers Montélimar. La Beaugraviere est au Nord du village sur la RN7….

Adresse GPS. N. 44° 14’ 20.202’’. E.4°42’’48.038. Restaurant la Beaugravière. Route Nationale 7. Tel.: 04-90-40-82-54. www.beaugravière.com

Parking. Oui privé. Sécurisé et clos la nuit.

Zzzzzzzzz. Quatre chambres climatisées au confort récent  à partir de de 98€. Petit déjeuner à 12 euros avec viennoiseries et pains maison aux farines apaisées.

S’élever l’esprit. A Orange (18km), nombreux vestiges romains, parmi lesquels les anciens remparts ou le théâtre antique d’Orange où se déroulent les fameuses chorégies

L’addition.  Menu au déjeuner à 19 euros; le soir menus à 32 et 55 euros orientés vers la truffe, spécialité de la maison. Cave étourdissante où l’on peut s’envoler dans le « no limit », en levant juste le petit doigt.

Dommage. Cette nationale 7 qui part en lambeaux, alors qu’elle appartient à notre patrimoine sentimental.

  • Adrienhb
    5 septembre 2016 at 9 h 15 min

    Cela marche mieux avec http://www.beaugraviere.com comme adresse du site. 😉