Schmuck, à la recherche de l’image manquante…

Paris, Schmuck, salle

Rien ne vaut ces restaurants où l’on attend ? Non point le turbot aux morilles, l’addition ou le café gourmand, mais la star. Même une branche d’étoile. Ça s’appelle les restaurants à la mode. Les vedettes y passeraient, laisseraient un peu de traînée de poudre, le soufre de la gloire, l’haleine de la félicité. Vous voici donc chez Schmuck, allongé dans le carrefour de l’Odéon, à Paris. Gilles Lellouche a des billes dans cette affaire. Régulièrement, on l’y voit avec son grand pote Jean Dujardin, sauf  pour cause de Cannes. Le jeudi, dit-on en coulisses, il y a des soirées où les (jolies) filles dirigent la bande-son pour le plus grand plaisir de la clientèle. Autant dire que le jeudi, nous étions là, la langue pendante, les oreilles dressées. Du reste, dans nos fauteuils crapaud, le nez au niveau de la table, vous nous auriez tout de suite reconnus. C’est drôle de voir la table de la sorte : au ras. Comme le chien. Le chat. Le mulot. Ça change tout. On voit les pores du cabillaud, les moustaches des crevettes, la pulpe de la banane. C’en est presque gênant d’être dans l’intimité des plats. D’habitude, on survole en hélicoptère, on balance des filins pour hisser les victuailles. Alors que là ! Les entrailles de la terre, les forges de Lucifer, les coulisses de l’Opéra.
L’assiette opère non sans efficacité mais sans franchement débrayer : le cabillaud laqué au miel de bière et flan de courgettes souffrait d’une cuisson un peu longuette. On attendait au tournant la banana Schmuck. Elle s’avéra un tantinet moqueuse et un chouia paresseuse dans son interprétation d’un hymne pâtissier qu’on espérait un brin couillu et métallique.
Paris, Schmuck, cabillaud
Mais de stars, point. De belles plantes, nenni. Juste des gens, quoi. Vous et moi (passons), vous parlez d’un programme ! Parfois, des trentenaires arrivent, se claquent la bise, du haut de leurs longues jambes et barbes de trois jours ; une donzelle en cheveux se faufile dans la pénombre. Mais le filet reste désespérément vide. Après tout, ce doit être cela un restaurant, le lieu d’une image perdue, d’un être manquant. C’est pour cela que nous y allons si souvent. Peut-être qu’un jour apparaîtront le Saint-Sacrement, le rayon vert, Bouddha, Vanessa Demouy, Nabilla, Gilles Lellouche, Jean Dujardin. Et ce jour-là, ce que nous attendions tant sera d’une indicible détresse, une crucifixion hégélienne, un plan à la Sören Kierkegaard : « Tout ce qui est atteint, écrit-il, est détruit. » Mais qui poussera enfin la porte du 1-3, rue de Condé ? Qui nous délivrera ?
Schmuck Saint-Germain, 1-3, rue de Condé, Paris VIe. Tél. : 01 43 54 18 21. Comptez tout de même 140 euros à deux, apparition non facturée.
  • Kenet
    31 mai 2013 at 18 h 54 min

    je ne comprend rien à votre diatribe ?????

  • Cricri
    6 juin 2013 at 19 h 33 min

    « Tout ce qui est atteint est détruit » serait plutôt une citation de Montherlant, non?