Le Blizzard, phénomène des neiges

Alors que la grande hôtellerie multiplie les étoiles, triple-saltos et snow boots armoriées, subsistent dans l’ensoleillement alpin des institutions burinées, aux bois cirés et à la clientèle fidèle, témoin cet imperturbable cinq étoiles de Val d’Isère.

Au premier abord, rien ne saurait distinguer ce vaste chalet dédoublé avec ses soixante-dix chambres et suites, sa piscine, son installation au coeur de la station, les pistes à 150 mètres. Pourtant, en gagnant le bar et son étirement, il y a déjà un climat, une « âme » diraient les spécialistes. Cela n’est guère palpable comme pourrait l’être la pierre de quartz, le bois de chêne qui soutiennent cette grande maison savoyarde. Il suffit de tendre l’oreille et très vite localiser la tessiture d’une voix qui remonte sans oute aux années 70. C’était le temps des « copains ». Zanini trompettait, Brel chantait à la Grande Ourse de Val d’Isère. Il y avait aussi la famille Cerboneschi (italienne comme un tiers des Savoyards), établie depuis 1963 sur la station. La papa tout d’abord fit tourner la maison, puis le fils Pierre, toujours là avec le regard profond, la voix chaleureuse, la retenue pudique des gens qui ressentent trop. Tout cela vous le retrouvez aujourd’hui comme un écho à la fois proche et lointain, comme des voix décaissées avec toujours cette touche maison. Pierre Cerboneschi met un certain temps à y accoler des mots. Ils sont simples: « spontané, naturel et franchise ». Il aura donc suffit d’écouter ce que voulait cette singulière clientèle réussissant à mêler capitaines d’industries en solides pulls montagnards, pistards, Anglais, moniteurs. Après, on le devine déjà: boiseries anciennes, plafonds à caissons, feu de cheminée, canapés profonds, plaids sur l’accoudoir, planchers qui ont vécu, odeurs boisées. Des rires, des interjections, un entre-soi complice. C’est sans doute ce que l’on attend de la montagne lorsqu’elle jaillit dehors, respire la neige, crisse sous les skis. C’est Val d’Isère ses scores monstrueux (60% des pistes au dessus de 2200mètres), ses héros: Jean Claude Killy, les soeurs Goitschel, et maintenant Leo Taillefer. Un des meilleurs skis au monde avec maintenant une clientèle au chic détendu, sans guère d’ostentation et suffisamment de civilité pour nous apaiser.

Les chambres ont du caractère, celui de Béatrice Cerboneschi. Il y a là  du moelleux, du bois ciré, de la vigueur montagnarde et du cosy british. Tout de suite, nous y trouvons nos repères: le lit ample et duveteux, le fauteuil face à la descente olympique de Bellevarde, parfois la cheminée et ses soupirs dansant. Pour un peu on oublierait l’heure du diner avec de vastes tablées qui se saluent avec contentement.

Les nourritures elles aussi jouent la cohabitation. La sole meunière et ses jeunes épinards sautés croise la carbonara. Patrice Durand, le chef (ex-Moulins de Ramatuelle), ajoute ce qu’il faut de  basilic aux penette; de jus de vieux xérès au foie de veau fermier rôti, du poivre sarawak à la belle entrecôte d’Argentine. Auparavant, vous aviez honoré l’apéritif au bar avec cette curieuse sensation, celle d’être déjà passé par là. La mémoire nous joue des tours, des visages nous semblent familiers, on parle volontiers. Demain aussi, il fera beau.

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