Paris. Lorsque Daniel Rose reprend la Vieille

(Hé bien, c'est pas mal du tout)

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Faut toujours se lever tôt pour reprendre une institution. Les repreneurs traversent le jardin à grandes enjambées, moulinent des bras, sont volubiles  et paf, marchent vivement sur un râteau abandonné. C’est frontal. Les dents sautent et on les perd de vue. De surcroit, l’arrière garde veille, mord aux mollets, surine à qui s’approchera de ces cadavres exquis. Combien se sont-ils ainsi ramassés à Paris? Les fantômes trainent toujours. Aussi lorsque Daniel Rose s’est attaqué à son quasi vis à vis – Spring son restaurant est situé à 30 mètres de l’autre côté de la rue Bailleul- on aurait pu s’attendre à ce genre de scénario. « Aurait pu », car le lascar, américain d’origine, est non seulement excellent dans la créativité (Spring, c’est très fort), mais en reprenant la Bourse ou la Vie, rue Vivienne, il y a bientôt un an, il avait délivré aux Parisiens, une impressionnante leçon bistrotière. C’était nickel, et même mieux que ça: impressionnant de netteté comme si on s’était fait opérer de la cataracte. Ou mieux restaurer un tableau ancien. Les cieux ocres retrouvaient l’azur, les carnations leur nature porcelaine. Aussi , c’est l’esprit détendu que vous pouvez rejoindre cette institution réorganisée. Au rez de chaussée, on a lourdé quelques tables qui peinaient à trouver leur espace pour réunir autour du bar et de tablettes une dizaine de tabourets. On peut ainsi déjeuner prestement. Au premier étage, la salle à garder sa rythmique bourgeoise. En un clin d’oeil, c’est complet. Redescendons donc au comptoir où la carte joue toujours dans la simplicité bougonne. Cuisine bourgeoise, tranquille, sure d’elle même, cossue, généreuse. La terrine maison est superbe dans son phrasé, sa façon d’épeler chaque morceau, de s’installer avec sa confitures d’oignon. Le foie gras avec la salade de lentilles est de la même assurance, décomplexée , trompetant son propos daté. Quant à la blanquette de veau, délivrée en cocotte de fonte, elle semble à première vue, être engoncée dans une sauce quelque peu farineuse. Mais dans le bec, il y a du groove, du swing, d’autant qu’à côté est servi un riz remanié avec des abricots confits et des amandes effilées. Vous (ohé) et moi (passons), avons du faire la même tête au dessus de ces lignes et au dessus du bol de riz. Pourtant , c’est bien, à propos, et coulisse remarquablement avec le tout. Du coup, les desserts profitent de cette confiance. Ils tracent un joli trait sous ce repas: poire pochée au vin rouge (6€ !), crème au café, riz au lait et pralines roses.  Chose incroyable, là où d’habitude on enfonce la tête sous l’eau une adresse amochée par l’oubli, là, par un subtil de travail d’actualisation, un vrai talent, une touche respectueuse, on fait rejaillir une table du passé. On lui retire ce voile de nostalgie et son illusion toxique pour en redonner du sens. Joliment troublant.img_0406

Les meilleures tables. Guère le choix, la salle est très vite complète. Sinon en bas, sur l’un des dix tabourets (pas mal, non plus).

Dommage. Le nombre de tables réduit.

A emporter:  Bien sur, le  livre de Daniel Rose, Spring, conçu avec Sophie Brissaud et illustrations du chef. Librairie Gourmande ou chez Colette, 29 €.

Chez la Vieille,  1, rue Bailleul, 75001 Paris. Tel.: 01-42-60-15-78. Fermé dimanche et lundi.

Mercure. L’hiver venu, les températures grimpent soigneusement: 20°c.

Décibels. Au déjeuner, en bas, calme urbain: 77db.

L’addition. Elle est très joueuse. on peut se taper la cloche style 40 euros, ou la jouer plus rentré.

Minimum syndical. La blanquette de veau: 20€.

Verdict: bien, joyeux !img_0404