New York, les makers de Brooklyn, la sérénité retrouvée

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Aujourd’hui, sur Brooklyn, l’air du large balaie les quais de Red Hook. De méchantes grues raclent le sol pour le nouveau terminal de ferries. Ici dans d’immenses docks s’affairent tous les métiers de la terre. Un sorte d’arche de Noé avec ses céramistes, assembleurs de crus, tanneurs, modistes. On les appelle les « makers ».  Dans le bâtiment 325 B, plusieurs compagnies travaillent le bois. Elles partagent d’immenses tables de sciage, alignent fraiseuses, toupies, raboteuses, dégauchisseuses, scies à rubans… Il y a même la troublante odeur du bois  se mêlant à la winery d’en dessous. On se croirait basculé dans un siècle dernier. Du reste, c’est ici même que somnola la statue de la Liberté. New York refusait de financer le socle, c’est finalement Brooklyn qui s’y colla et la Liberté retrouva la position verticale. Greg, 31ans, et Ian, 30 ans, ont lancé il y a quatre ans, Fort Standart. Ce sont des designers formés à l’école de Brooklyn. Tout normalement, ils ont décidé de s’installer ici, de partager le loyer et de pondre régulièrement des collections alliant la pierre, le cuir et le bois. Ils progressent paisiblement, dégagent maintenant des bénéfices qu’ils réinvestissent tout de suite dans de nouveaux produits. Pas de lueurs folles dans leurs yeux, ni de belles montres au poignet, ils ont cette calme assurance des artisans, rieuse et goguenarde. Pas dupes. C’est sans doute l’esprit des makers de Brooklyn comme en réaction à Manhattan, ses hommes pressés en costume, ses immeubles et leur ivresse de verre . Brooklyn, c’est un peu le contrepied de New York, un temps de vivre. Moins de stress, d’accélération. Une sérénité induite.

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On retrouve un peu partout ce même délié, cette confrontation douce à la production. Que ce soit dans les pâtisseries, les salads bars (notre préféré: café Mogador), ou encore cette manufacture de jean, (Brooklyn Denim Co) installée elle aussi dans un entrepôt remis à neuf (85N st/third). Ici, on travaille la toile de jean sur mesure dans un atelier ouvert à même la vaste boutique. Le manager, Kenny Abiog,  a tout son temps pour trouver le bon pantalon, la taille ajustée, le tombé tranquille. Un peu plus loin, toujours à Williamsburg, Margaux et Camille Pascal ont installé leur « manufacture Pascal » sur une rue ensoleillée. Elles l’ont baptisée ainsi en hommage à leurs aïeux partis s’installer en Nouvelle Zélande pour faire fortune dans la laine et les élastiques. Aujourd’hui, le succès est là, tendre et croquant, venu se poser sur leurs créations: des sacs distingués et trendy réalisés en peau de poulain, tannés à Chicago et montés à New York. Elles aussi ont compris qu’il y avait aujourd’hui une vraie demande sur des objets « sourcés » de façon proche. L’économie peut aussi imaginer des circuits courts, donnant finalement une approche plus intimiste, de confiance; une sorte de communauté certes légère mais bien présente. C’est cela l’esprit des makers de Brooklyn, redonner au monde un souffle plus chaleureux, plus étroit. Comme si ce lien nous manquait.IMG_2551