Londres: la réincarnation d’Heston Blumenthal

Londres.Blumentha, salle

 

L'autre jour, je suis allé faire un petit saut à Londres. Au programme, la superbe exposition Bowie certes, mais aussi la visite de l'adresse d'heston Blumenthal qui a ouvert au Mandarin, une autre expression de sa cuisine. C'est bigrement intéressant… Voici quelques impressions… 

 

La gastronomie est vraiment impayable. C’est ce qui nous la
rend si attachante. Même les poêles les plus sophistiquées succombent,
demandent grâce. Les chefs sont trop forts. Prenez Heston Blumenthal, une des plus
célèbres pointures au monde  dans
le registre moléculaire ; un as perché entre Einstein et Mary Poppins.
Dans son échoppe de Bray, près de Londres, il avait une façon irrésistible de
faire s’agenouiller les cœurs les plus endurcis. Certes, certains estomacs
durent également s’agenouiller et rendre leurs âmes, témoin cette satanée  intoxication qui fit tourner en
girouette les boyaux des plus expérimentés foodies de la terre. Bah, il faut
croire par là qu’il doit y avoir une certaine forme d’aristocratie azimutée qui
vous balance pêle-mêle,  Noma (à
Copenhague), Feran Adria (ex-Rosas), Spanghero dans cet enfer intestinal, cette
crise de foie mondiale.

 
Londres, Blumenthal, plat
Or donc,
Heston Blumenthal  s’est
installé  il y a quelques mois dans
les cuisines du palace Mandarin. Et là, en espérant que vous êtes bien assis,
il s’est lancé dans des plats… historiques. Il a fait remonter de vieux
grimoires locaux, non point du rosbif à la sauce à la menthe mais des salades
au citron datant de 1730, des <millionnaire tart> de 1830 et autre saumon
fumé à l’Earl Grey (1730 également). 
Certes cela coûte un bras comme ce pigeon aux épices avec des artichauts
farcis (40 euros) mais il y a dans cette démarche quelque chose
d’enthousiasmant. Et d’une, le chef s’est calmé sur les poudres de perlin
pinpin et autres adjuvants délicats de l’agro alimentaire, mais surtout, il
revisite la modernité de jadis. Faut- il le rappeler, depuis toujours, on fait
de la cuisine moderne et parfois beaucoup plus extrémiste qu’aujourd’hui.  De tout temps, on a envoyé grand- mère
dans les orties et les cris qui en échappent valent nos scories d’aujourd’hui.
Ici, dans cette vaste brasserie contemporaine donnant sur la nature, le service
file comme sur des poulies. De la cuisine (apparente) sortent ces miraculés de
l’histoire ; riz safrané et vin rouge revenu les yeux hagards  des années 1390, mais tenant un propos
très clair et plaisant ; flétan avec ses feuilles de chicorée (35 euros)
bien dans ses guêtres ou encore ces frites avec un croustillant d’enfer. Il y a
dans cette cuisine une belle humeur et une jolie concision. Parfois, on en
voudrait plus : à la limite le vacarme de ces bons vieux temps. Mais pour
cela, la clientèle fait l’affaire. On vocifère à chaque table (spécialité
locale) à devenir marteau. Mais, prenons les paris, on ne devrait pas tarder à
voir en France, chez certains chefs frappés par le mutisme de la molécule,
revenir discrétos vers les fondamentaux. Rendez vous ici dans cette même
colonne.

Mandarin Oriental,66 Knightsbridge, Londres. Réservation
aisée sur www.dinnerbyheston.com