Lapérouse: des tics et un claque

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Mais qui nous délivera un (beau) jour  de la betterave ? Et bientôt de la fleur de bourrache…

Pour le Figaroscope, j'ai eu la chance il y a quelques temps de pouvoir décrocher un salon au restaurant Lapérouse. Croyez-moi, c'est une expérience en soi. A chacun, d'y emporter ses phantasmes. Pour ma part, le lieu m'intimide. Je n'ai pas l'insolence, l'applomb, l'impertinence suffisante pour bousculer mes propres codes. Ce restaurant est situé dans un quartier bousculé par les autocars et un vaste fleuve de touristes. 

Ce quartier est bien étrange avec cette façon si touristique d’alterner les hautes densités (la rue saint André des Arts, Buci) et les grandes solitudes : rue de Savoie, rue des Grands Augustins, rue gît le Cœur. Parfois même on se croit dans les décors d’un film, il n’y a personne, une lumière sublime, le flanc cintré des hôtels particuliers. La restauration bien évidemment est pile dans le sillage. Spectaculairement nulle et médiocre dans les échoppes (à part un ou deux Turcs), c’est à qui fera la pizza la plus indigeste, le steak sans âme ni poivre, la crêpe en berne. C’est pitoyable, vaguement triste. Mais c’est ainsi Paris. Alternant le formidable et le pire. Du reste, comment peut-on savoir, faire la différence entre un Allard (poussif) et un Roger la Grenouille (bien meilleur), entre Jacques Cagna et William Ledeuil. Il y a même des adresses que l’on oublie à tort pensant qu’elles sont rangées dans les cartons de l’Histoire. On pense bien évidemment au restaurant Lapérouse

Les salons. Il sont bien là dans leur ardeur et leur mystère. On peut tout imaginer et l’on a bien raison. Les cocottes, les miroirs sur lesquels les femmes vérifiaient l’authenticité de leurs diamants, les galipettes, le passage souterrain vers le Sénat par les galeries souterraines de l’ancien couvent des Augustins. Les adultères et les centaines de chefs qui se succédèrent dans ce qu’il faut bien appeler l’un des restaurants les plus difficiles à exploiter à Paris, vu les escaliers, les couloirs et les décrochements. Il y eut même ici Pascal Barbot (l’Astrance) le temps de quelques fulgurances et puis aujourd’hui un chef que l’on annonce comme nouveau mais dont la serveuse rappelle à juste titre qu’il est là depuis un an et demi.

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Les assiettes. Alors que l’on pourrait s’attendre que ce fut parfois le cas ici, à des nourritures un tantinet statufiées et barbantes, elles se présentent aujourd’hui plutôt enjouées, colorées ; presque ludiques comme ce foie gras   . Les cuissons sont justes, les produits de bon niveau. Sincèrement, il n’y a rien à redire. Le service est souriant, efficace, discret. Et puis toujours ce regard qui vous perce au fond de l’âme. Nous étions trois pour la rime, c’était assez exquis. On nous associa au péché. Même plus besoin de le consommer.

Quant à la clientèle, c’est tout de même lorsqu’il n’y a pas de clients autour de sa table. Seuls au monde dans un salon, cela fait partie des authentiques voluptés parisiennes.Est ce cher ? Les vins ne sont pas donnés et en cherchant bien sur la carte, on peut trouver un saint joseph dans les 60 € ou un colluoure schistes à 70 €. Le menu carte à 130 € (autres menus à 155 et 180€) est tout de même rude dans son tarif. Faut-il y aller ? Au moins une fois, les salons privés c’est extra. 

Lapérouse, 51, quai des Grands Augustins, 75006 Paris (01.56.79.24.31). Fermé le dimanche.

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(photos F.Simon).

  • Joufpoi
    22 octobre 2010 at 11 h 18 min

    Rooh, mais c’est vous qui devriez arrêter avec la betterave ! C’est très bon et si vous n’aimez pas, laissez les autres l’apprécier.
    C’est vrai que la fleur de bourrache, c’est la mode du moment, avec les couteaux.

  • Alain de Rungis
    22 octobre 2010 at 14 h 02 min

    Un lièvre à la royale ( Ali Bab )prévu chez Lapérouse début novembre pour notre club , commentaire à suivre …. après dégustation

  • rod
    22 octobre 2010 at 16 h 57 min

    Ca fait cher le « Schistes » quand même…et tout le reste…

  • Claire
    25 octobre 2010 at 13 h 52 min

    Ha ha ha, je suis bien d’accord : cette brave betterave a bien de la chance d’avoir de si jolies couleurs …

  • Alain de Rungis
    21 novembre 2010 at 10 h 37 min

    Lièvre à la royale à La Pérouse le 19 novembre . Pas mal exécuté , quelques convives ( dont moi ) sont tombés sur une bête un peu trop ferme , lièvre servit façon Ali Bab , accompagné d’une compotée façon Couteau entourée d’une raviole ( pas mal, original ) rien à reprocher au goût , sauce onctueuse ( sans chocolat ) , seul bémol les cuisines sont loin des salons et les plats sont arrivés tièdes , dommage …
    Un bon point le Cairanne qui l’ accompagnait.
    Lièvre qui ne restera pas dans les annales, loin, très loin de Sanderens , L’Astrance et la Plazza Athénée ( Christophe Moret l’année passée ) pour les citer dans l’ordre de préférence