Eloge du sombre

Dans la pénombre des chairs, malheur aux rince doigts

 

Alors que les nourritures actuelles s’embarquent dans la
netteté suréclairée, le knout de la transparence et de la traçabilité, qu’il
est doux de s’enfoncer dans le noir, gagner la pénombre et y retrouver la
quiétude. Ce sont les plats de clandés, de l’ombre et du silence. Pas de
cliquetis, de mots articulés. Ce serait plutôt un grognement bougon. Pas de
papier, ni d’ausweiss, de cachet faisant foi, de date limite ?! Parfait,
passez. Banquette du fond, l’hermitage a déjà été carafé.

C’est
préférable. Nourritures chaudes et profondes comme du velours de Naples,
recoins. Voix basse, messe profonde. Gibiers en sauce, même pas de légumes pour
les becs fins, juste glisser sous la nappe de mazout, le lac pétrolifère, le
gisement huit kilomètres sous terre. La nappe est effrayée.  Il y fait chaud, on est dans le ventre
d’un sanglier. On se tait, y a intérêt. Les nourritures appellent la chair et
les vins. Ceux-ci seront également terribles, au déroulé lent et lourd. Ils
glissent dans la gorge dans la pourpre et l’apparat. Il n’y a pas de place.
L’humeur se noircit aussi, on devient terrible, impitoyable. Gare au pain
hésitant, à l’eau aux bulles paresseuses, à la mousse au chocolat lactée. On devient
alors gaillard, Hun, barbare. On ne réclame pas la suite mais du rab’. On
devient impatient, exigeant, définitif. La chair extraite du fond des forêts et
des terres hantées commence à vous imprégner. Pour un peu, il vous pousserait
des touffes de poils sur les joues, le dessus des mains. Vous grognez et cela
devient un compliment, vous éructez et cela passe pour de la tendresse. Il
était grand temps de manger violemment, sans discours ni fioritures. Mettre les
doigts, déchirer encore de lambeaux sur l’os, les porter à la bouche et faire
des messes basses, païennes et noires.
Lièvre à la royale, bien entendu mais aussi groose, chevreuil…Tout ce
qui passe et n’a pas l’air catholique sera bon. Choisissez bien vos
partenaires, car une telle assemblée devient impitoyable, malheur aux rince
doigts !

Paris, vascou, lièvre à la r

Photo FS, au Bascou, of course , lièvre à la royale, c’est en ce moment, gothique et frontal…

38 Rue Réaumur, 75003 Paris
01 42 72 69 25. Fermé samedi et dimanche.
  • Ratatouille
    18 novembre 2013 at 9 h 21 min

    Dans cette catégorie, je ne saurais choisir entre le Lièvre à la Royale de Mark Singer au Dodin ou celui de Camdeborde au Comptoir du Relais…