Cheval, le silence des agneaux

Balzar, serveurs

Oh diable, que c'est assourdissant ! On entend encore l'écho retentir dans les vallées de nos terroirs enchantés. La pénible histoire des plats cuisinés faisant passer du cheval pour du boeuf a dû faire relever quelques sourcils ici et là, mais disons que les chefs sur cette affaire ont un silence admirable, une sorte de merveilleuse neutralité, une indifférence de très haute élégance, digne du patrimoine immatériel de l'humanité. Grosso modo, ils regardent tous le plafond en sifflotant et en attendant que cette sordide histoire se tasse. L'un se lime les ongles, l'autre lève son chapeau sur une tranche de jambon, un troisième chantonne une mélopée désarmante depuis qu'il est tombé en extase devant une eau gazeuse matinée de thé vert. Tout y passe, le concerto d'été de Vivaldi, la voix tremblante d'émotion, la bulle « signature » et sa texture, ses arômes de verveine. Mazette, et tout cela, pour quoi ? Une brave eau coloriée.
Si l'on veut comprendre pourquoi les chefs sont si embarrassés par cette histoire de lasagnes, il suffit d'ouvrir les revues professionnelles ou de se balader dans les salons de l'agroalimentaire. Vous pigerez tout de suite que le métier est menotté par des intérêts… alimentaires ; entendez par là pécuniaires. Rien de blâmable au demeurant, chacun aujourd'hui croûte comme il peut, fait ses « ménages », dépose son honneur de chef sur des sauces préparées. Mais on aurait pu attendre de nos cuisiniers adorés qu'ils poussent au moins un peu plus loin leurs paradoxes pour défendre la dimension artisanale de leur métier. Râler un bon coup, maudire les « minerais », ces conglomérats douteux de l'agroalimentaire. Car s'il y a bien aujourd'hui un chant que l'on souhaite entendre, ce n'est pas celui du tiroir-caisse et le cynisme tranquille des industriels, mais celui du produit noble et sincère : pâté en croûte, flan à la vanille, éclair au chocolat, poulet-frites, vraies bonnes lasagnes… Il y a comme un besoin urgent d'entendre des voix rappeler les fondamentaux, réciter l'alphabet gourmand et non point des chansonnettes commerciales. La table n'a jamais autant polarisé l'attention. Signe des temps en perte de repères, celle-ci devrait rallier autour de valeurs simples et retrouvées un monde désenchanté. Alors, demandons aux chefs de revenir un peu plus à leurs fourneaux. De nous laisser entendre la chanson savoureuse des tintements de casseroles, des jus à la minute, le fouet dans l'inox, le geste simple et naturel. Pour nous chasser tous ces papillons noirs.
  • PATRICK
    13 mars 2013 at 12 h 51 min

    Bon jaja au Bristol on dirait

  • Vincent Pousson
    20 mars 2013 at 17 h 37 min

    Bravo! Il est évident que ces relations dangereuses entre le chimico-agro-alimentaire et la gastronomie posent problème.

  • Mathias
    22 mars 2013 at 17 h 31 min

    Le Balzar !