Allard: le miroir aux poulets

 

C’est à croire que la table est un lieu d’illusion. C’est en
tout cas la meilleure parade face à un 
mauvais repas. Un papier dans le très sérieux Wine Spectator de cet été,
donnait à croire qu’Allard était un vrai bon restaurant nostalgique de la Rive
gauche. Nous tenions là un sacré bon scoop. Fissa, réservation fut faite et
sincèrement, la bonne nouvelle méritait d’être divulguée au plus vite. Dès ce
retour de vacances. Un ami trié pour son penchant bonhomme pour les bonnes
tables et les bons flacons fut illico réquisitionné avec sa chemise
repassée : Allard allait nous revenir, tel que nous l’attendons depuis
belle lurette, gratiné et bien aimé. La salle est toujours admirable dans sa
patine. Elle est même à sangloter de pur bonheur lorsque les lumières du soir
s’en viennent sublimer la partie donnant sur la rue Saint André des Arts. Pour
tout vous avouer, je le connais par cœur ce restaurant. Tous les jours, je
passe devant, je me lève sur la pointe des pieds pour mater, au-dessus des
vitres gravées,  les assiettes et
les dîneurs. J’en connais les odeurs, les livraisons et les serveurs se
grillant une clope dehors.

  R0010420
 

Quatre expériences malheureuses m’en avaient vacciné mais
là, c’était trop beau de foncer sur le poulet rôti. IL fut annoncé avec un
délais de 30 minutes. Louable scénario signifiant qu’il ne lambinait pas sur la
lèche frite. En fait, il arriva au bout de 55 minutes, garant implacable d’une
cuisson en direct. Patatras, le volatile (59 €) avait la peau mollassonne, la
patate graisseuse, le cresson miteux. Il était dans la lignée d’un saucisson
chaud lyonnais traînant des pieds et une 
carte des vins beaucoup trop chère peuplée d’esquisses de négociants (un
chateauneuf à 70 €, bouh !).

Quel bourdon, d’autant que mon lascar d’ami me regarda droit
dans les prunelles et me lâcha de façon un peu saligotte : <Comment
peut-on manger aussi mal avec toi ?!>.

R0010421
 

 Faut pas
répondre dans ces cas-là, il faut laisser les sarbacanes s‘essouffler. J’écoutais
la soufflante, décachetais la douloureuse (150,90 € avec une seule entrée et
pas de desserts !)  lorsqu’un
vieux couple vint s’attabler juste à côté de notre table. Tous deux joliment
habillés, on sentait que ces voisins étaient de vrais bons habitués ;
interpellant le serveur par son prénom, lui  demandant des nouvelles de ses études. Dans le coucher du
soleil,   c’était un pur
plaisir  de les voir ronronner à
l’unisson. Sans doute ont-ils pris le même saucisson à la pistache, le même
poulet, le même vin… Qu’importe, ils avaient ce qu’il nous manquait, la candeur
de l’âme, la bienveillance des amoureux, la martingale de l’illusion, ce
<film> protecteur.

 

 

  • Alain de Rungis
    2 septembre 2010 at 10 h 22 min

    J’ai connu Allard du temps de sa splendeur
    ( il y a longtemps … ) Avec un couple d’amis américains, il y a peu de temps, l’expérience a été malheureusement identique.
    Ils avaient sur leur liste L’Ami Louis et Allard , n’éyant pas réservé , le premier était full , nous nous sommes rabattus sur le second malgré mes mises en garde connaîssant l’état actuel de la cuisine .
    Peut-on faire moins bien ? oui peut-être chez Lipp r648wv …
    J’en frissonne encore …

  • a.o.
    2 septembre 2010 at 13 h 34 min

    Voilà une adresse parisienne qui certes semble avoir ses habitués mais qui, à mon avis, mériterait un sérieux rafraîchissement tant au niveau de la carte que du personnel.
    Pour y avoir déjeuné il y a de cela un an, mon impression etait que la salle avait mieux vieilli que le reste…. .

  • Djinnz
    6 septembre 2010 at 10 h 16 min

    Pourquoi s’étonner? Ca me parait en effet tout à fait le genre d’endroit qui plaît au Wine Spectator. Le Winbe Spectator, c’est comme le guide du Routard, je le consulte (non, je ne l’achète pas, vous êtes fous, filer du fric à ces gens là???) pour éviter les endroits qu’il recommande.

  • Pascal
    5 octobre 2010 at 19 h 15 min

    Ah bon ? Le Wine Speculator est devenu Sérieux ? Depuis quand ? On nous cache tout ! ;-))