Officiel Hommes revu par André, miaou !

Officiel Francois Simon

De temps en temps, je croise André, artiste graffeur et oiseau de nuit, ici et là. On parle peu, une fois tous les deux ans. Ce doit être cela notre rythme.Mais suffisamment puisque la dernière fois, il m'a demandé de venir écrire un petit peu dans la nouvelle version de l'Officiel Hommes. J'ai dit <miaou!> et lui ai pondu ce petit texte sur le hamburger…

Le hamburger, miraculé souriant de la poubelle

Ce soir, le bar du Junior’s à New York ressemble à un long boa paresseux. Il digère. La nuit, le restaurant, le sol, les clients égrappés en solitude. Métronomiquement, en échange de 13,25$, il distribue ses cheeseburger, bermuda oignons et frites. Lorsque l’assiette arrive, la vie reprend. C’est comme un airbag qui vous sauve la peau. Une paire de seins plantée sous les yeux, en plein visage. Un coussin, une étreinte, l’oxygène. La vie était veule, rêche et bruyante. Tout à coup, elle redevient sensée, alignée, significative. Le hamburger est plus qu’un aliment, c’est une bouée de sauvetage. On n’attendait plus rien des soufflés d’oursins, de la faim et de la sole meunière, lorsqu’il est arrivé avec ses façons bonhommes. On a l’impression lorsqu’il s’installe à votre table, de voir arriver un plombier avec sa grosse sacoche à outil. <Vous inquiétez pas, semble t il dire, je vais vous réparer cela. Votre appétit, votre mélancolie, votre horizon. Je vais refaire circuler les fluides !>

Le hamburger n’est pas toujours bon en soi. Il est parfois vilain et taiseux. Il ne fait rien. Il ne joue pas le jeu. Il triche. En France, presque partout, il peine. Il s’essouffle. Il connaît l’air, mais saute un couplet. À New York, il est dans son jardin. Il s’exprime, a du coffre, joue de la trompette en renversant le cou. Avec sa tête de dentier brioché, le hamburger est bon garçon. Il accepte que les oignons viennent jouer des maracas, il accueille les frites et leurs touches brûlantes, leur croustillant en tabernacle de purée. Il voudrait que l’assiette se mette à tourner en manège, que l’on rigole, qu’on l’adopte. La viande est expressive et non laborieuse, terrée. Elle exhibe de belles gencives et un sourire délicieusement niais.

Ce soir-là, j’étais carbonisé. Le décalage me poussait dans le dos, la ville criait mollement. J’ai adoré cet instant de réveil, de survie. À mes côtés, une jeune fille à lunettes tenait son verre de vin blanc comme une canne à pommeau. Elle aussi demandait trop à cette journée qui se refusait. Elle aussi retardait le moment de rentrer. Le hamburger était là, comme un Bob l’Eponge, heureux et dentifriciel ; joyeux et galopin. Le hamburger n’est pas un aliment comme les autres.Un jour, il a dû tomber dans une poubelle, poussé par un puriste. Il s’est vengé.

   Hamburger New York