Les dix tables que le monde entier nous envie. Part 1

1. Pierre Gagnaire

Paris, Gagnaire doute

Le seul chef à être dans le doute permanent, à être effrayé par son ombre, son talent et ses audaces. Pierre Gagnaire possède en même temps cette rage sereine des musiciens de jazz, s’embarquant dans des plats sans jamais savoir où il va atterrir. Alors que d’autres se planquent derrière la sole au beurre d’agrumes, lui virevolte, part à droite, à gauche, se décentre, se déchausse. Ses plats, parfois, ressemblent à une page de Deleuze, mais il faut y voir une volonté constante de s’échapper par le haut, de ne jamais se retourner et de piaffer avec ses poudres, ses associations et cette ferveur galvanisante. Le grand art.

Pierre Gagnaire6, rue Balzac, VIIIe. Tél.: 01 58 36 12 50.

Paris, Pierre Gagnaire, salle

2. L’Astrance

Voici l’adresse qui scotche par excellence. Sans doute pour sa calme modernité, son respect de l’espace (on pourrait recevoir tous les soirs 50 personnes, on n’en retient que 25) et sûrement ce calme déroulé non seulement dans l’assiette (Pascal Barbot) mais aussi en salle, où officie avec une sérénité savoureuse un directeur hors du commun, Christophe Rohat, épaulé par un sommelier hors pair, Alexandre Jean. Tout cela fait une adresse unique, non encore dupliquée (ouf!). Si l’on réserve de partout dans le monde, longtemps à l’avance, c’est sans doute pour ce toucher unique, cette ligne claire de la gastronomie (école Passard, nous y revoilà) et surtout un humanisme à l’encontre de l’accélération environnante et de la tyrannie du marketing.

L’Astrance4, rue Beethoven, XVIe. Tél.: 01 40 50 84 40.

Astrance table haut

3. Alain Passard L’Arpège

 

L’Arpège

 

S’il est vrai que les prix ne sont pas donnés, voire violents sauf pour la nomenklatura gastronomique bénéficiant du menu copain (financé par les péquenauds et les touristes, faut-il le rappeler), Alain Passard reste l’un des plus singuliers chefs parisiens à cuisiner encore chez lui. C’est assez rare pour le souligner, la plupart passant leur vie entre les lounges classe affaires et les duty free shops. Il eut également le courage de refuser la viande lorsque celle-ci devenait folle, pour se rabattre, presque à poil, sur les légumes. Il en a fait du reste l’étendard de sa maison, les cultive lui-même et pousse le radis suffisamment loin pour que derrière, il n’y ait pas grand monde. Cuisine spontanée, inspirée pour une salle hélas instable et parfois chaotique. Pas de problème, pour les fidèles et les illuminés: Passard reste un as.

Alain Passard-L’Arpège84, rue de Varenne, VIIe. Tél.: 01 47 05 09 06.

4. La Tour d’Argent

Celle-ci est impayable avec ses bonnes manières, sa situation inouïe, son phrasé ampoulé. C’est Paris en noir et blanc, Paris en Technicolor lorsque la capitale se déroule à vos pieds. Goûtez bien ce moment unique au monde: celui de votre arrivée. Le personnel se tourne alors vers vous, fait la corolle (pas de tutus, rassurez-vous) alors que, timidement, vous rejoignez votre table. Ensuite carte classique en nets progrès depuis les rétrogradations blessantes (mais justifiées) du guide Michelin. Clientèle épatante habillée sur son 31, à part quelques étourdis rhabillés de près dès l’entrée (veste et cravate). Caves magnifiques laissant sommeiller (voire trépasser) les plus beaux flacons de la terre.

La Tour d’Argent15, quai de la Tournelle, Ve. Tél.: 01 43 54 23 31.

5. Le Chateaubriand

Peut-on reprocher à Inaki Aizpitarte et à Fred Peneau d’avoir connu une gloire trop violente?! Bien sûr que non. Mais disons que cela ne les a pas autant aidés que cela. Tous deux appartiennent à cette génération de restaurateurs qui ont su piger le sens du siècle et surtout assumer l’amorce d’un vrai talent. Une sorte de cuisine spontanée, impérieuse, impétueuse, cognant sur les parois, passant parfois à vide, mais travaillant au harcèlement. Guère au doute mais dans un combat incessant. Très vite, ils sont devenus la coqueluche du nouveau monde de la gastronomie. Tout simplement parce qu’ils savaient marier la dimension sexy que l’on attend d’une adresse et l’amorce d’une cuisine novatrice, extrêmement dépouillée, parfois déconcertante. Et cela a marché. L’intelligentsia modeuse a suivi, les propulsant par un habile lobbying au summum de la gastronomie mondiale, sans pour autant désosser cette adresse qui aurait pu périr sous une telle accélération. Aujourd’hui, le restaurant s’est dédoublé avec un petit frère drôlement finaud et encore plus agile, le Dauphin, dessiné par Fred et son ami Rem Koolhass. Voilà pourquoi ce duo d’adresses n’a pas fini de faire parler de lui.

Le Chateaubriand129, av. Parmentier,XIe. Tél.:01 43 57 45 95.

 

Paris, Dauphin, Inaki 2

  • BenCo
    27 janvier 2012 at 7 h 41 min

    Walou … pour les 5 premières, le monde nous envierait surtout … Paris … Je rassure ce « Monde »: sortis de la Capitale, vous ne tomberez pas dans le néant ! D’autres merveilles vous attendent, et certainement plus sincères …