Dans une série de reportages pour M le supplément du Monde, nous nous sommes arrêtés ici et là…
L’Auberge du Pas de Vent, leçons ralenties
Un jour où il y aura bien un prédicateur impérieux d’une chaine populaire qui nous adjoindra de découvrir cette France planquée.Il racontera comment, par hasard, il a découvert un pays délié. Son vocabulaire se sera soudainement élargi. Il aura roulé pendant 8km à 20km heure. Un enjambeur de vignes se sera inscrit dans le rectangle bombé de son pare- brise. Il aura éteint les hologrammes du verre feuilleté pour lire de ses yeux les panonceaux. La supérette Intermarché est à 7 kilomètres, la salle des fêtes à droite. Fleurissent alors le silos à grains, puis les piscines de jardin bâchées bleu Floride, des pylônes EDF, des clôtures de toutes natures. Ce pays-là pourrait être celui de Chalosse, dans les Landes.Qu’est ce que c’est joli! La route serpente, ralentit pour vous, chaloupe comme une serveuse de bar parisien. Il fait si beau et un brin lourd. Si l’on s’arrêtait?
Alors ce sera ici, à Pouillon, parce que la devanture est adorable, les glycines jouent avec les grilles, la tonnelle. Les ombres et le soleil font pareil, réinterprètent la rythmique des marches, des persiennes. Il y avait là une auberge dans les années 1900. Elle y est toujours. A-t-elle franchement bougé? Sans doute, comme son ombre. Il y a même un jeu de quilles de Neuf (on dit: un quillet) découpé sur une vaste salle en terre battue. On y tient parfois banquet. Un jeune chef au regard clair et au poil brun, Aurélien Bellocq s’y épanouit aux cotés de sa femme Cindy et de leur petite fille Angéline (9 mois). Venu des grandes maisons ( Le Petit Nice de Passédat, Arrambide à Saint Jean Pied de Port, Cousseau à Mangès), il aurait pu comme pas mal de ses confrères, grimper aux rideaux, avoir l’air terrible, se tatouer un hérisson sur le lobe de l’oreille, tournebouler une ratatouille, tourmenter un magret de canard. Non, lui ce qui l’intéresse, c’est de faire une cuisine de « grand mère ». « Celle, dit-il en cherchant ses mots avec gourmandise, celle qu’on a envie de prendre avec ses doigts ». Lui, ce qui le galvanise, ce n’est pas l’étoile Michelin, mais le « bib » qui caractérise les tables au bon rapport qualité/prix, témoin son menu à 24 euros. Du coup, lorsque les inspecteurs passent, il ne se ronge pas l’intérieur des joues, il est serein. Parce qu’il fait une cuisine de campagne, « éprouvante » dit il même étonnamment. Cela veut dire qu’il bosse, laisse mijoter, patiente. L’hiver venu, Il surveille amoureusement son chaudron de cuivre pour le gras double, travaille dans la pénombre et l’attente des têtes de veau. Ou encore en ce moment cette poitrine de cochon gratinée au four, aux oreilles de cochons confites et chapelure aillée. Ce qu’il aime (et que nous aimons) c’est son dessert réalisé avec un petit lait (le bruet) et des fruits rouges. Même pas lissé. De campagne. On se dit alors que la cuisine « simple », presque « pauvre », demande une magnifique humilité, l’humeur d’une belle âme. C’est sans doute ce qui par capillarité gagne l’assistance, génère des conversations chaleureuses, colorées. Parfois même, un mot fait un ricochet, passe à l’insu de tout le monde, d’une table à une autre. L’aviez vous déjà remarqué? Il sera de temps alors de tout arrêter, d’imaginer une sieste au bord de fleuve, inscrivant un delta au Bec de Gave lorsque le Gave et l’Adour s’unissent. Où sommes nous alors? Ailleurs, joliment ailleurs.
Passage à l’acte
Sortir de l’autoroute. Depuis Paris (747km), A 10 et A63, sortie 12 (Dax). Depuis Pau (79km). A64/E80, sortie 7.
Situation GPS. N.43°36’4.595’’.O.1°0’ 19.178’’. Auberge du pas de Vent, Cindy et Aurélien Bellocq. 40350 Pouillon. Tel.: 05-58-98-34-65. www.auberge-dupasdevent.com. Fermé le lundi soir, le mardi soir, le mercredi et le dimanche soir. En août, tous les jours sauf lundi.
Zzzzzzzz. Pour une petite sieste joliment ventilée, rejoindre la commune de Sames pour son point de vue sur le Bec du Gave, qui désigne l’endroit où les Gaves réunis se jettent dans l’Adour. Sinon, chambres d’hôtes aux alentours.
Parking. privé et surveillé, 20 places.
S’élever l’esprit. Le château de Gaujacq (Landes 40)
Demeure seigneuriale insolite du 17ème siècle. Galerie à l’italienne autour d’un jardin « des délices ». Possibilité de visites guidées. Tél. : 05.58.89.01.01
L’addition. Adorable menu à 13 euros (hors jours fériés), sinon comptez 25-35 euros par personne.
Dommage. Bon, c’est vrai, alors que l’on n’est pas loin du but, il faut sortir de l’autoroute. Mais là, vous allez devancer les vacances. Les apaiser.