Megève. Si l’on approchait Emmanuel Renaut (les Flocons de Sel)…

DSC02726De temps en temps (rarement pour tout dire, presque jamais), je rencontre des chefs. Cela fait tout drôle. Cela parait presqu’incongru, tant je pense toujours que la place du journaliste (ou du critique) est clairement ailleurs. Mais jamais en cuisine. Après un climat s’installe, l’amitié parasite le jugement. Mais lorsqu’on me propose une situation paradoxale, je suis le premier à sauter dessus. C’était donc pour Air France magazine qui vient de sortir…

Ca s’appelle: Emmanuel Renaut, la montagne magique

Emmanuel Renaut

la montagne magique

DSC02733Il semble être extrait des monts environnants. Ce chef trois étoilé entier ressemble au pays de Mégève. A la fois calme et silencieux mais soudainement vif, entier dans une cuisine des quatre saisons.

L’aube tarde. Et tout devient magique. Le silence est d’une incroyable profondeur. Il circule même en nappes. Il fait vibrer l’air. Emmanuel Renaut, 47 ans, chef des Flocons de sel, est comme réinventé. Sa bobine s’anime, l’oeil perce. Il localise quelques chamois dans le lointain, les glisse dans sa longue vue. On voudrait dire. C’est inutile. Le silence se révèle bien plus intéressant. L’air est intense. La montagne sort alors son chant. Il est d’une incroyable pureté. Il devient alors tentant de gouter la montagne, la roche. Ce qui fut fait. La prendre dans la bouche. Tout de suite sa masse métallique,  d’ardoises, de granit, sa pointe de sel. Son nez de mousse. Même lorsqu’il est dans l’aplomb d’une paroi, Emmanuel Renaut laisse son nez chercher: « Je suis même tombé, se souvient- il, sur une orchidée rare. Elle avait un fumet de chocolat ». DSC02720

Imaginez  donc un peu les cheminements dingos de cet impatient, de cet ogre de la vie. Il est comme une sauce: précipité. Comme si dans son swing rageur et incandescent, il voulait faire sortir la vérité de son puits. La montagne, c’est sa passion. Pas une agitation roucoulante et médiatique,  Il y file chaque jour de la semaine avant que le jour ne ramène les monts à la terre, les détache du ciel. Patagonie, mont Fuji, prononcez- lui ses mots, regardez ses yeux, la nacre en devient plus brillante.

Sa cuisine semble extraite de la roche. Pas alambiquée pour deux sous, (donc, pas une « cuisine de ville ») même s’il y a une dimension charmante, appliquée, délicate. Mais l’ensemble reste minéral (au bord de la cuccina povera), sentimental, presque druidique. Une sorte de chant ancien prononcé a capella. Cet amoureux de Tarantino, de Charles Aznavour, portant Terre d’Hermes, poussant à donf’ les 245 chevaux de son Audi Allroad, est un étrange continent. C’est à la fois un ours. Et un poussin. Il tomba amoureux de la montagne dès son plus jeune âge. C’était aux Houches. « Lors de mon service militaire, aux chasseurs alpins, je me suis bien gardé de dire que j’étais cuisiner: je voulais de la montagne tous les jours ». On la lui donna a ce verseau du 26 janvier, père de trois enfants, mari d’une native de Hambourg, à la douceur blonde, compréhensive et hanséatique. Ce fan de Tarantino épinglait les champions de moto Trial au dessus de son lit d’adolescent ( Jodi Tarrès, Eddy Lejeune…si ça vous dit ). Il ressemble à ces grognards sentimentaux de la cuisine. Il eut la chance de rencontrer les plats limpides de Jean Ducloux, à Tournus. Il avait sept ans et inscrivit d’emblée ce chef magnifique dans son gotha personnel. Ensuite, il fit partie de l’époque magique du Crillon, à Paris, époque Christian Constant avec en cuisine une wonder team décapante: Felder, Frechon, Breton, Camdeborde, Rouquette, Janin. Ajoutez à cela un an chez Yves Thuries pour la pâtisserie et vous comprendrez pourquoi cet homme au regard pénétrant et enfantin, captive par une cuisine délurée, très insistante dans son rentre- dedans alpestre. Elle ne lâche rien, tout en laissant une sorte de répit bucolique (le consommé jardinier relevé de raifort et de vieux beaufort avec le moelleux de panais et betterave), un songe  (le lait d’alpage fumé en beignet) ou encore cet exquis mamelon de topinambours en fines lamelles et truffe noire. Parfois, le chef a des colères brèves comme ce salmi de chevreuil façon  lièvre à la royale. Il aime manger « chaud », ce qui n’est pas un tort. Un plat faut il le rappeler a une durée de vie très courte: 3-4 minutes. Après, il décroit. Il aime boire aussi un verre (« à pied s’il vous plait ») lors de ses grandes randonnées: casse- croute de prince avec pâté en croûte et puligny de chez François Carillon. Parfois, on se demande d’où lui vient cette énergie, cette rage douce. Un puits artésien sous ses pieds? « Non, répond il après avoir longtemps réfléchi, de partout ». Qu’est ce qui le fait courir? « Tout ».DSC02721

  • Marie
    10 février 2016 at 14 h 10 min

    Toujours touchée par votre intelligence et votre simplicité quand vous nous racontez vos découvertes : on décolle

  • Guy de la Rupelle
    14 février 2016 at 4 h 23 min

    « un ogre de la vie », un amoureux de la montagne et une cuisine qui fait rêver. J’ai lu cette revue et je suis allé sur internet voir quels étaient les prochains vols pour la France, car je suis au Japon. Le printemps n’est pas loin et le restaurant a été ajouté à mon petit calepin de bonnes adresses et celles-ci sont rares de nos jours.

  • villareal
    7 mars 2016 at 14 h 33 min

    please accept my apologies … it is in English …
    Flocons de sel is for us worth flying from across the world.
    we have visited many time , and in January 2016 we visited again … what an amazing lunch we had …
    some new dishes and some old ones … the Lievre a la Royale was and will stay in my mind for many years to come…
    to note also that Flocons de sel participated in « carte sur table » in January … incredible bottles of wines from bordeaux (white, red, sweet) at incredible value …
    we will return soon again … I hope .. merci