Je ne sais pas pourquoi, mais le lundi, il faut que je déglingue…

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Le menu dégustation, l’infantilisme au restaurant

 

C’est devenu un grand classique dans la nouvelle génération de restaurants, lorsque vous vous attablez, il ne vous est pas proposé de carte menu, mais une personne angélique, vient vous déposer la bonne parole :

  • il s’agit d’un menu dégustation pensé par le chef. Il peut être servi ou 8 ou 15 séquences. Avez vous des allergies ?!

    – Oui…les menus dégustations.

    Dans ces cas là, on ne vous entend pas. La machine est partie sans se retourner avec les fameuses <séquences>, sorte de coïtus interruptus se déclarant en lunules, chosettes, onomatopées, cuillérettes et autres élipses minimalistes.

    Le menu dégustation est né il y a quelques années. Et grosso modo, on en a pris pour trois- quatre ans. Comme les fuites d’eau dans les immeubles, les tâches font se former lentement, les étages vont s’auréoler méthodiquement : la Province ne va pas tarder à y passer, si ce n’est déjà fait .

    Le menu dégustation est né dans un cerveau habile. Après tout, la calamité des chefs, c’est son frigo. Rien de plus cafardeux au lendemain d’une soirée morose, de découvrir tous ses produits avec un jour de plus, l’air gentiment absent, le teint jaunâtre : l’endive n’a plus son croquant, la langoustine glisse à la ouate, la laitue se fait des cheveux. En imposant son menu unique, le chef est à peu près sur de tout écouler avec fraîcheur, sans perte de produits. Dans cette même logique, il réduit ses couts et par la même, votre addition. Ce qui reste à prouver. Mais à ce rythme, on ne devrait pas tarder à voir apparaître ces restaurants, où l’on demandera d’apporter soi même son assiette, ses couverts ; ou alors les rapporter à la plonge, boire le café en face, et régler en avance la prestation du cuisinier. Voire, diner en dehors des repas, afin que son excellence puisse se restaurer comme tout le monde devant le journal télévisé. Nous n’en sommes pas encore là.

    DSC00138L’origine de ces menus dégustations est inspirée des restaurants japonais de sushis. Ici, sur demande, on pratique, la formule omakase, c’est à dire faite comme vous voulez. A la différence des restaurants français, cette formule est une sorte d’accord explicite. Le chef est devant vous derrière le comptoir et jauge votre appétit. Selon que vous soyez vorace, enveloppé, amoureux, affamé ou mélancolique, il rythmera le dîner au votre. Il fera comme le font les clowns de rue, emboitant leur pas et mimant le piéton étourdi. Le menu omakase procède du respect du client. La canonnade se poursuivra tant que le convive ne sera pas rassasié. C’est alors qu’apparaitra le riz, annonçant la proche fin du repas.

    En France, c’est plus délicat. Le chef est éloigné de la salle. Il est souvent enfermé dans sa cuisine. A t il à faire à des rugbymen, des taulards sortant de trente ans de prison, d’un minibus de majorettes nubiles ? Il n’en sait rien, il tâtonne dans son obscurité.
    Obscurité ? Le mot n’est pas tout à fait le bon. Il sait très bien où il va : son narcissisme souvent cabossé pousse en lui un désir de revanche, de création parfois salué par des furieux de l’internet. Il a rejoint les Dieux, dialoguent avec eux et nous délivrent les miettes de son extase. Il impose sa vision du monde, l’extrait de ses visions, le verbatim de sa stupeur.

    Il est en fait dans la cuisine du siècle dernier, celle de l’obéissance, de l’adhésion sociale. Il nous impose sa vision du monde et par là, nous infantilise dans une passivité de ramasse miettes. S’il est parfois des monologues passionnants (ils se comptent sur les doigts d’une moufle), bien souvent, ces néo restaurant salués dans le respect confus des novices hébétés, sont régulièrement dans une duplication (celle de la peur). Ils font un peu comme les autres, comme on fit naguère du moléculaire, de la sole aux baies roses et le lapin aux agrumes.

     

  • Cela dit, devinant la nature pendulaire de la gastronomie (on passe du classicisme à la nouveauté ; de la nouveauté à la régle), le balancement devrait nous rabattre une vogue dont on sent déjà les fumets : celle d’indulgence. Vous verrez, on vous demandera même, comment vous allez ?
  • Avez vous faim ?!

    – Oui !