Goust : la complexité a t elle du goût ?

Régulièrement, mon cousin nantais, Stephane, viendra apporter sa petite pincée de sel et de poivre. Vas-y Cousin, let’s shake…

Goust veut bien faire. Le lieu est en étage, au premier d’un hôtel particulier Napoléon III, avec un bel escalier intérieur pour y conduire… Faire monter le désir, c’est important… L’intérieur classique rutile comme du neuf : difficile d’y voir une âme mais rassurant comme un « Figaro Magazine » encore sous son plastique, posé sur la table d’une salle d’attente.

En entrée, j’étais intrigué par L’huître (au singulier) Gilardeau avec sa perle… Quand on vient de l’Atlantique, on aime les huîtres toniques, charnues, qui fouettent la bouche comme la vague, le récif… Une drôle d’esquif a surgi des flots : une huître (Gilardeau donc) posée sur un écrin intriguant : une coquille d’huître moulée comme un chocolat de Pâques, mais vert, pour rappeler une algue sans doute… Le service impeccable en cravate rouge vous précise que le moulage se mange…

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Oui, à l’intérieur il y a des miettes (de chair de crabes?). Dans la bouche, celui qui rêvait de marée vivifiante se retrouve avec une texture qui fait penser au chocolat blanc et aux miettes de surimi… Le fond d’assiette est aux couleurs du cresson… Le plat effarant de complexité est un crève cœur quand on l’attaque : un tremblement de terre dans une cristallerie. Quand l’huître en « stuc » est croquée, c’est Guernica dans l’assiette…

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Avant de finir par la perle grosse comme une tomate cerise, j’ai quand même apprécié l’huître au naturel qui avait fini de trôner… Puis, c’était donc le tour de la perle qui « se mange aussi » : à l’intérieur, une gelée, sans doute l’eau d’une huître reconstituée, iodée, à moins que ce ne soit iodé-néisée… Sceptique devant toutes ces complications, on réserve son jugement pour le plat…

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Un Cabillaud, en filet, parfaitement cuit, purée de céleri, double émulsion- l’une sous forme de gouttelettes d’Aïoli et l’autre au Haddock, déposée sur le poisson. Le chef (qui travaille sous l’égide d’Enrico Bernardo, grand sommelier, fondateur d’Il Vino) a une maîtrise parfaite de sa cuisine. Enfant, il devait passer ses journées à monter des Sagrada Familia en allumettes. Comme il est docte, artisan de génie, il a tenu à garder des rubans de céleri dans sa purée, pour apporter du maintien et éviter que le Cabillaud ne s’endorme dans la purée. Pschiiiiitt… à trop forcer la bonne volonté, elle finit par se retourner contre vous. Je me suis souvenu d’une règle apprise il y a longtemps, jamais démentie : celui qui veut faire plaisir à sa mère ou sa femme sera plus inspiré d’offrir un bouquet, subtil de simplicité. Une fleur, une couleur, toute juste assortie. Le mari qui se fend d’un bouquet « KING Size » chargé de couleurs, de parfums et d’artifices risque de gêner, comme il encombre le vase, quand il ne vas pas carrément dérouter ou faire douter…

Goust m’a fait douter. Je me suis consolé avec de bons choix de vins, beaux chenin d’Anjou ou Riesling d’Allemagne de chez Bauer. L’addition est tout de même moins complexe que la cuisine : comptez 75€ par personne, vins, café et mignardises compris.

Goust, 10 rue Volney, 75002 Paris, 01 40 15 20 30. Fermé dimanche et lundi.

  • T. Tilash
    11 février 2014 at 9 h 48 min

    Je pense que le débat « complexité contre simplicité » est aussi absurde que celui de cuisine « moderniste contre traditionnelle ».

    On a le droit d’apprécier les Noces de Cana, de Véronèse pour son audace, sa richesse, son foisonnement, tout comme on peut apprécier une Nature morte aux Citrons, de Zurbaran, pour sa lumière délicate, sa simplicité méditative, sa respiration.
    On peut apprécier un portrait de Velazquez pour sa touche moderne, virevoltante et fraiche, et aussi aimer une abstraction de Rothko pour son usage zen et spirituel des couleurs, et son classicisme équivoque.

    Bien sûr, lorsque la simplicité devient pauvre, la complexité devient pompier, la modernité devient gratuite et la tradition devient religion… on est en droit de douter.