Jin, tout de suite posé au sommet, impressionnant…

Paris, Jun, chef
La rue est étroite et, dans la lumière calme de cette fin de journée, vient s’inscrire un vaste rectangle. Celui de la vitrine du tout nouveau restaurant Jin. On dirait une vignette, une image collée sur l’album de la façade. Une citation dans un texte. Elle serait limpide, poncée à l’exactitude, nous laisserait songeur. Parfois, des passants s’arrêtent comme devant un magasin de pelotes de laine. Un brin incrédules. S’y inscrivent un chef japonais et douze convives disposés autour du comptoir en L. La pénombre est savamment travaillée, la lumière tombe en raie comme un index impérieux. C’est donc ici qu’opère un chef venu de Sapporo. Il s’appelle Taku et fait déjà parler de lui. L’homme est imposant. La carrure d’un sumotori, le crâne rasé de près et cette incroyable douceur propre aux colosses, leur sourire rentré, l’extrême malice à visage d’enfant. Il prononce juste deux ou trois sons. Le nom des poissons. Parfois, c’est incompréhensible. Ce n’est pas grave. Le poisson semble alors retrouver une nouvelle identité. Il a perdu ses papiers, on l’adopte mieux encore.
 Ce qui vous frappera ici, c’est l’incroyable ferveur de Taku. L’Europe déroule par rapport aux choses une distance amusée, un quant-à-soi ironique. Au Japon, on a l’impression du contraire. Il y a comme un respect qui, au début, vous désarme. Puis vous entrez dans cette piété, ce sentiment rassurant et galvanisant. Ici, Taku travaille avec une concision colossale. Il réanime presque les poissons, les réincarne. Leur donne une deuxième chance, la dernière (enfin, le sait-on vraiment ?). Cette sincérité sans ombre envahit l’assistance. Les convives sont gagnés par cette application sans nom. On serait presque sur le chemin de la rédemption : manger calmement, lentement avec une rythmique sacrée pour apprécier jusqu’au moindre grain de riz. Celui-ci est tiède comme la bouche, très légèrement avivé par un vinaigre de saison.
Paris, Jin, oeufs de s

 Les provenances des poissons sont françaises pour la plupart d’entre eux, à part une sériole venue d’un Orient extrême. Vous aurez un mal de chien à tout vous remémorer car le menu omakase (selon l’humeur du chef et votre appétit) traverse la soirée comme on le ferait d’un ruisseau, de pierre en pierre : émietté de tourteau avec corail et oeufs de saumon, saint-jacques rôties dans une feuille d’algue nori livrées à même les doigts. Puis foie de lotte avec miso blanc et cresson, lotte au gingembre frais… Parfois, une séquence de sushis intervient avec une concision qui vous laisse sur le carreau. Netteté des saveurs, de la découpe, de l’assaisonnement (gingembre frais, coup de pinceau de sauce soja)… Clientèle s
age comme une image, sur un nuage. Presque pétrifiée mais bienheureuse. Pour les prix:normal, coup de bambou mais sachez que vous êtes dans l’excellence, niveau grande table de Tokyo où là, les prix doublent ou triplent.
JIN 6, rue de la Sourdière, Ier. Tél. : 01 42 61 60 71. Ouvert tous les soirs, sauf le dimanche. Photos FS.

Paris, Jin, thon
 

 
  • lilizen
    26 mai 2013 at 11 h 01 min

    je mange vos paroles…

  • Matth
    20 juin 2013 at 16 h 21 min

    Testé hier soir, le grand menu avec supplément « toro » (ventrèche de thon rouge), et c’est tout bonnement exceptionnel !
    6 plats, des sashimis, 10 sushis et une soupe miso, le tout sans faute, dans le calme feutré du comptoir qui respecte le travail de Taku et de son acolyte.
    En particulier, des huîtres fumées à la paille ou une seiche juste nature d’une qualité fantastique.
    Une expérience culinaire hors du commun pour beaucoup moins cher qu’un vol Paris-Sapporo !

  • olivier
    5 février 2014 at 20 h 03 min

    Tout pareil que Matth, incroyable, sublime, hors du commun, les sakés aussi sont extraordinaires…