Lignac, le joli cuit il ?

Lignac
 
Petit texte, paru il y a peu dans le croque notes du Figaro quotidien suite à un diner dans le restaurant de Cyril Lignac…

Il doit y avoir beaucoup de chefs qui doivent jalouser Cyril Lignac, le chef médiatique de M6. L’envier, le mépriser (si frenchie). Lui reprocher ce qu’ils sont. Car voilà un jeune chef, hautement sympathique, à l’accent ensoleillé, la barbe de trois jours, la mèche fatale qui a bénéficié d’une  accélération foudroyante propre à la télévision. Il appartient à la génération des chefs micro-ondes, cuits en une minute trente, arrivant écumant de chaleur. En quelques saisons, il a réussi à doubler en notoriété les plus grands chefs français. Ces derniers ont mis trente-quarante ans pour asseoir une aimable gloire, lui les grille en un quart de seconde. Pourtant, Cyril Lignac, formé un peu partout et plutôt bien (Ducasse, Passard, Hermé) ne souhaite qu’une seule chose : avoir la reconnaissance des siens. Son rêve ? Non point faire des scores surpuissants à la télé, mais décrocher une étoile, entrer enfin dans la cour des grands, lui qui survole ce pré carré du haut de son hélicoptère.

Tout ceci, n’est que considération. Le mieux, c’est d’aller dans ses restaurants. Le Chardenoux, à Paris (1, rue Jules-Vallès, 75011 ; 01.43.71.49.52 ; 60€), est gentil dans ses efforts, louable dans l’assiette, mignon mais sans percussion lorsqu’on le compare avec son voisin le plus proche, le bistrot Paul Bert (18, rue Paul Bert, 75011 ; 01.43.72.24.01 ; 43€) ; ce dernier lui met une démonstration le coude sur la portière, avec des produits, un savoir faire, une faconde naturelle qui le place trois longueurs devant. 

Son restaurant gastronomique Quinzième Attitude est lui aussi correct (14, rue Cauchy, 75015 ; 01.45.54.43.43 ; 80€). La clientèle est galvanisée par sa présence (on le voit dans sa cuisine en entrant) , on a l’impression de gagner la magie de la télévision, de toucher sa gloire par capillarité. Qui sait, si en lui serrant la louche on pouvait rejoindre le firmament des nanans. Son assiette, là encore est plaisante, si gentille, douce : le bar de ligne est agrémenté d’un <parfum> d’huile d’olive et s’alanguit aux fruits de la passion ; le foie gras se laisse acclimater par une gelée de fraises des bois ; la sole de petit bateau s’endort dans le doux roulis d’une purée de rates "légèrement vanillée", les saint jacques se retournent dans leur sieste dans un sillage de "crème de rhume ambré". On se dit alors que la cuisine, lorsqu’elle se laisse gagner par l’oecuménisme joli, la pasteurisation souriante, va forcément à la rencontre d’un public qui recherche ce massage social, mais elle quitte forcément les rivages des gourmets et autres fourchetteurs. Ce que l’on attend de la table, c’est une expression. Les produits doivent exister, trancher, régulièrement dépasser le chef. Si ce dernier interfère, il doit y aller soit franco ,soit en haute intelligence. Difficile alors de passer en douceur, il faut de la profondeur. La gentillesse n’est pas un ingrédient (c’est un sentiment), le joli ne cuit pas. 

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Le Quinzième – Cyril Lignac 14, rue Cauchy 75015 Paris 01 45 54 43 43 Plus d'infos MAP

 

 

 

 

  • Carine Cilia
    6 avril 2011 at 17 h 48 min

    Bonjour François,
    J’espère que vous me pardonnerez de ne pas être d’accord avec vous sur la comparaison Bistrot Paul Bert / Chardenoux, mais là j’avoue que je suis extrêmement surprise par votre avis :
    http://www.unchatencuisine.com/restaurants/le-bistrot-paul-bert-une-table-surestimee-pour-une-reputation-surfaite-3096

  • fred
    6 avril 2011 at 20 h 45 min

    Bonjour Mr Simon
    Mr Lignac Pour moi la seul façon pour lui d’être reconnue par les siens
    Ces les meilleurs ouvriers de France

  • Sylvie
    9 avril 2011 at 21 h 12 min

    Est ce que la médiatisation de Cyril Lignac ne décuple pas les attentes vis à vis de sa cuisine ? Est il possible d’avoir une reconnaissance dans ces conditions ?

  • Brigitte
    10 avril 2011 at 11 h 30 min

    J’ai dîné au Chardenoux c’est très cher pour ce qu’il y a dans l’assiette, rien de très original, service sans gentillesse, heureusement que ce n’est pas mauvais : il ne manquerait plus que ça ! C’est vrai que le Paul Bert est bien plus séduisant et abordable.